Depuis les années 1980, le cinéma hollywoodien n’a eu de cesse de mettre en scène des personnages masculins aux physiques hyper-musclés et sculptés. Des acteurs tels qu’Arnold Schwarzenegger, Sylvester Stallone, Jean-Claude Van Damme ou plus récemment Dwayne Johnson, sont devenus les incarnations paroxystiques de cette tendance à l’hyper-masculinité sur les écrans.
Derrière le succès commercial de ces films mettant en scène des cascades spectaculaires réalisées par des hommes aux muscles hypertrophiés, se cachent cependant des enjeux complexes liés aux représentations genrées. La promotion de ces corps masculins bodybuildés répond en effet à des logiques économiques et idéologiques qu’il convient d’interroger.
Sommaire
Des acteurs cultes
Schwarzenegger : la naissance d’une icône
Arnold Schwarzenegger fait figure de pionnier dans la représentation du corps masculin surhumainement musclé au cinéma. Avant de devenir une star hollywoodienne dans les années 1980-90, il commence sa carrière comme culturiste professionnel et remporte plusieurs titres prestigieux de Mr Univers et Mr Olympia. Son physique impressionnant (1m88 pour plus de 100 kg de muscles) et son accent autrichien marqué vont devenir sa marque de fabrique.
Le film Conan le barbare en 1982 le révèle au grand public et imprime durablement les imaginaires. Son personnage à la musculature hypertrophiée devient une référence des films de fantasy violents et masculinistes. Par la suite, Schwarzenegger continue d’incarner des personnages au physique surhumain dans des films mêlant action et science-fiction comme Predator (1987) ou la saga Terminator (1984-2019).
Stallone et les icônes des années 1980-90
Un autre acteur culte ayant largement contribué à populariser l’image de l’homme musclé au cinéma est Sylvester Stallone. Propulsé star internationale grâce à la franchise Rocky (1976-2018), il incarne le boxeur italo-américain Rocky Balboa qui s’entraîne intensément pour développer un corps athlétique impressionnant. Le succès phénoménal de ces films donnera naissance à une vague de longs-métrages mettant en scène des héros masculins bodybuildés, comme la saga Rambo avec Stallone lui-même, ou Predator et Terminator avec Schwarzenegger.
Cette période consacre également d’autres acteurs musclés comme Bruce Willis, Mel Gibson, Dolph Lundgren, Jean-Claude Van Damme ou Steven Seagal. Tous deviennent les visages de films d’action brutaux, dont les scènes de combat et de cascades mettent en valeur leur musculature saillante.
L’ère Dwayne Johnson
Ces dernières années, l’un des représentants les plus emblématiques de l’homme musclé au cinéma est sans conteste Dwayne Johnson. Ancien catcheur professionnel, son physique imposant (1m96 pour plus de 100kg) est devenu sa marque de fabrique quand il s’est reconverti comme acteur dans les années 2000. Surnommé “The Rock”, il est la star de nombreux films à succès mêlant comédies, films d’action et d’aventure (Jumanji, Fast and Furious, San Andreas, Skyscraper…) où il met en scène ses muscles saillants.
Son physique hyper-athlétique, qu’il entretient à coups de musculation intensive et de régimes drastiques, fait désormais partie intégrante de son personnage à l’écran. Les plans rapprochés sur ses biceps, ses pectoraux ou ses abdominaux lors des scènes d’action en témoignent. Dwayne Johnson est ainsi devenu l’incarnation des standards masculins actuels mêlant force brute et charisme.
Des physiques toujours plus extrêmes
Au fil des décennies, les représentations d’hommes musclés au cinéma sont ainsi devenues toujours plus spectaculaires et extrêmes. Les acteurs n’ont eu de cesse de repousser les limites de la muscularité et de la définition corporelle afin de satisfaire les attentes du public et les exigences des studios.
Des transformations physiques spectaculaires
Certains acteurs comme Chris Hemsworth (Thor), Chris Pratt (Les Gardiens de la Galaxie) ou Kumail Nanjiani (Eternals) ont ainsi subi des transformations physiques spectaculaires pour incarner des super-héros aux muscles saillants. En quelques mois à peine, ils ont pris plus de 10-15 kilos de muscles pour répondre aux canons esthétiques de ces films.
Ces métamorphoses impliquent des entrainements physiques intenses quotidiens avec des coaches sportifs, ainsi que des régimes alimentaires drastiques privilégiant les protéines, à la limite de la diète hyperprotéinée. L’objectif étant d’arborer le jour J un corps athlétique avec des taux de graisse corporelle très bas pour sculpter les muscles.
Recours aux stéroïdes ?
Certains observateurs s’interrogent sur le recours éventuel à des produits dopants comme les stéroïdes anabolisants pour atteindre ces physiques spectaculaires en si peu de temps. Néanmoins, rares sont les acteurs à l’avouer publiquement car ces pratiques demeurent taboues et illégales.
Quoiqu’il en soit, on observe une surenchère dans l’hypertrophie et la définition musculaire des acteurs au fil des années. Les canons esthétiques évoluent vers des corps de plus en plus massifs et sculptés. Le moindre centimètre carré de graisse semble désormais banni des représentations d’hommes musclés véhiculées par le cinéma hollywoodien mainstream.
Influences sur les spectateurs
Quête problématique de modèles masculins
Ce culte du corps musclé n’est pas sans conséquence sur les spectateurs. Il influence particulièrement les représentations et les complexes des jeunes hommes en quête de modèles de masculinité. Ne pouvant atteindre naturellement la musculature démesurée de leurs idoles, certains sont prêts à prendre des risques inconsidérés (stéroïdes, régimes extrêmes…) dans cette quête problématique.
Conséquences en termes de santé publique
Plus largement, la promotion de ces standards physiques irréalistes a des répercussions en termes de santé publique :
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Augmentation des troubles du comportement alimentaire (vigorexie, orthorexie) chez les hommes qui cherchent à tout prix à augmenter leur masse musculaire.
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Recours accru aux compléments alimentaires (protéines, acides aminés, brûleurs de graisses) voire aux stéroïdes, avec les risques sanitaires que cela comporte.
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Diffusion d’une image genrée et datée de la masculinité, associée à la force physique et à la capacité à user de violence.
Conclusion
En définitive, si les représentations d’hommes musclés au cinéma ont incontestablement marqué l’imaginaire collectif, elles soulèvent également des questions fondamentales. Au-delà de leur dimension spectaculaire et divertissante, ces images véhiculent des stéréotypes genrés problématiques aux conséquences bien réelles. Reste à savoir si l’industrie cinématographique saura faire évoluer ses standards esthétiques et ses archétypes masculins pour mieux refléter la diversité des réalités masculines contemporaines.